Quelle est la particularité de votre spécialité médicale ?
Dr Barbara Szekely : Notre spécialité est transversale et pluridisciplinaire. Nous avons une place de coordonnateurs mettant tout en œuvre pour trouver les thérapeutiques optimales afin de soulager nos patients. La douleur est dite « chronique » lorsqu’elle dure depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Elle perd alors son rôle de signal d’alarme, devenant inutile et invalidante. Il convient donc de proposer une prise en charge multidimensionnelle, compte tenu du retentissement de cette douleur sur la qualité de vie des patients (perte de travail, vie sociale réduite, retentissement psychologique…).
Dans quelles circonstances l’équipe mobile douleur (Pain unit) intervient-elle au sein de l’Hôpital Foch ?
Dr Barbara Szekely : Elle intervient pour la gestion de douleurs aiguës insuffisamment contrôlées en postopératoire, notre objectif premier étant d’éviter le passage à la chronicisation des douleurs. Nos patients les plus vulnérables nécessitent des soins et une surveillance plus spécifiques. Plus la gestion de la douleur péri-opératoire est optimisée, moins le risque de persistance des douleurs est important. L’équipe mobile douleur est aussi amenée à gérer le suivi de patients atteints de douleurs cancéreuses ou non cancéreuses dans les cas les plus complexes.
Comment procédez-vous à l’évaluation de la douleur en consultation et comment déterminez-vous son retentissement sur la qualité de vie ?
Dr Barbara Szekely : Nous utilisons pour cela des questionnaires validés et adaptés à la douleur chronique. Pour certains patients, nous disposons de questionnaires spécifiques, ce qui nous permet d’affiner encore notre diagnostic (par exemple, pour les migraineux, nous proposons l’agenda de la migraine).
Lors du premier rendez-vous, qui dure environ une heure, une évaluation globale est réalisée : contexte social et familial du malade, antécédents médicaux et chirurgicaux et traitements déjà suivis. Cette évaluation permet notamment au patient de déterminer sur un dessin représentant le schéma corporel les zones douloureuses et de décrire ses caractéristiques (élancements, décharges électriques…), mais aussi d’évaluer quantitativement de 0 à 10, à l’aide d’un outil d’autoévaluation appelé « échelle numérique » (EN), l’intensité de la douleur au moment présent, la plus intense sur les 8 derniers jours, ainsi que les facteurs de soulagement. Lors de la consultation, l’évaluation globale nous permet d’effectuer des choix thérapeutiques, parmi le panel de solutions dont nous disposons, et selon les traitements et outils déjà testés (avec succès ou non) par le patient au préalable.
De quels outils disposez-vous pour soulager les différents types de douleurs ?
Dr Barbara Szekely : Nous avons à notre disposition un large éventail d’outils thérapeutiques, plus ou moins invasifs. Notre service utilise notamment des techniques non médicamenteuses, englobant les thérapies psychocorporelles (relaxation, hypnose, sophrologie, EMDR…), ainsi que d’autres thérapies comme l’auriculothérapie, l’acupuncture, des techniques physiques, comme la stimulation électrique transcutanée (TENS) et le Scenar (boîtier électrique d’électrostimulation). Certains de nos patients douloureux chroniques assistent à des ateliers d’apprentissage de techniques psychocorporelles, animés par l’équipe du CETD, mais aussi à des séances de qi gong, shiatsu et gymnastique, dans le service de rééducation fonctionnelle. Des techniques médicamenteuses (perfusion de kétamine et application de Capsaïcine®) sont aussi pratiquées par les médecins algologues en hospitalisation de jour. Enfin, des techniques de neuromodulation peuvent aussi être envisagées dans le cadre de douleurs chroniques rebelles non cancéreuses. Il s’agit d’un ensemble de techniques innovantes visant à modifier l’activité du système nerveux central ou périphérique : stimulation médullaire (chirurgicale ou percutanée), stimulation sous-cutanée lombaire et stimulation du nerf d’Arnold, par exemple.
Pour les douleurs réfractaires, qu’elles soient cancéreuses, non cancéreuses ou chroniques, nous proposons aussi parfois l’implantation de pompes intrathécales, qui permettent de réduire drastiquement les doses de morphine et ses effets secondaires et d’améliorer ainsi la qualité de vie des patients.
Quelle est la check-list des documents à apporter lors de la première consultation avec un anesthésiste spécialisé dans la gestion de la douleur ?
Nous demandons aux patients de nous apporter un courrier explicatif de leur médecin, accompagné de leurs derniers bilans sanguins et des comptes rendus d’examens d’imagerie. Les ordonnances de leurs traitements et la liste de tous les médicaments pris par le passé nous sont aussi très utiles. Enfin, il est très important qu’ils prennent le temps, en amont de la consultation, de bien remplir les questionnaires transmis lors de la prise de rendez-vous ou téléchargeables ici.
D’autre part, nous participons à l’enseignement des jeunes médecins spécialistes, qui, dans ce cadre, sont susceptibles d’assister à des consultations. Nous pouvons aussi être amenés à proposer à certains patients de participer à des études de recherche clinique dans le domaine des douleurs aiguës et chroniques.