Entretien avec le professeur Alexandre Hertig, chef du service de néphrologie de l’Hôpital Foch depuis janvier 2021.
Âgé de 49 ans, le professeur Hertig vient de succéder au Dr Michel Delahousse, lequel est toujours en poste et pleinement dédié à la prise en charge des patients. Alexandre Hertig a travaillé pendant dix-huit ans dans le service de néphrologie aiguë et de transplantation rénale de l’Hôpital Tenon, puis a rejoint le service de transplantation rénale de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière lorsque ces deux centres de greffe ont fusionné.
Quel est votre projet pour le service de néphrologie ? De quelle façon développez-vous l’activité à l’Hôpital Foch ?
Ma priorité est de redynamiser l’activité de transplantation rénale de notre établissement, dans un esprit médico-chirurgical, et donc en partenariat étroit avec nos confrères urologues. Ensemble, nous souhaitons notamment développer encore davantage l’activité de transplantation à partir de donneurs vivants, car c’est aujourd’hui le meilleur traitement de l’insuffisance rénale terminale.
Mon expérience dans le domaine de l’insuffisance rénale aiguë me fait aussi espérer une augmentation de nos interactions avec les réanimateurs, lesquels sont confrontés au quotidien à des malades poly-défaillants, mais dont la défaillance rénale a parfois des singularités, que nous pouvons aider à comprendre.
Avec la transplantation pulmonaire qui rayonne littéralement à Foch, la première transplantation utérine de France qui vient juste d’y être couronnée de succès avec la naissance en février de l’enfant Misha, et enfin la transplantation rénale dont je souhaite qu’elle prenne beaucoup d’ampleur, on ne peut que souhaiter un bel avenir à notre chaire de transplantation.
Comment souhaitez-vous collaborer avec les médecins de ville et correspondants ?
Notre souhait est d’accélérer l’accès à un avis néphrologique, car la maladie rénale chronique a la particularité d’être souvent sournoise, indolente, et beaucoup de patients sont découverts à un stade déjà tardif de leur maladie : autant que faire se peut, nous leur devons d’être le plus réactifs possible, et donc accessibles dès que leur médecin traitant a repéré un problème rénal.
Nous avons ainsi mis en place numéro joignable toute la semaine aux jours et heures ouvrables, pour que tous les professionnels de santé puissent avoir un avis néphrologique de débrouillage rapide. N’hésitez pas à nous contacter au 01 46 25 22 99.
D’autre part, nous allons ouvrir un parcours de maladie rénale chronique, dit « parcours MRC », qui inclura des consultations gratuites d’éducation thérapeutique et de diététique (l’alimentation joue en effet un rôle déterminant dans la progression de la maladie rénale), mais aussi un soutien psychologique pour les patients dont le ressenti de la maladie rénale est le plus difficile.
Vous vous impliquez beaucoup au sein d’associations de patients. Sur quels types d’actions les accompagnez-vous ?
La pandémie COVID-19 nous place tous à un moment très particulier. Il est essentiel d’informer du mieux que nous le pouvons les patients atteints de maladie rénale sur leur propre risque infectieux, et sur l’intérêt pour eux de se vacciner contre le coronavirus. Mais il est tout aussi important de continuer à les soigner pour leur maladie chronique, et de mesurer régulièrement le retentissement de leur maladie, pandémie ou pas.
À une échelle plus large, je suis également convaincu que le temps est venu d’associer davantage les patients aux décisions que nous prenons pour organiser leurs soins, et les associations de patients peuvent nous y aider. Dans ce cadre, je m’efforce de communiquer auprès des patients via différents canaux : salons de discussions virtuels, publications sur le site Internet des associations de patients, dans la presse grand public ou encore dans les rares journaux scientifiques qui ont des rubriques réservées aux patients.
Les problématiques rénales liées à la grossesse font partie de vos domaines d’excellence. Comment pensez-vous apporter votre expertise à l’Hôpital Foch ?
Je souhaite augmenter fortement la collaboration avec le service de gynécologie-obstétrique en raison, en effet, d’une expertise sur la pré-éclampsie que j’ai développée depuis maintenant plus de vingt ans. La pré-éclampsie est une pathologie transitoire mais elle touche, en France, 4 % des primipares. C’est énorme. Son retentissement rénal est parfois sévère, jusqu’à l’insuffisance rénale aiguë. Elle est également associée à un sur-risque cardiovasculaire au long cours qui justifie des consultations dédiées, d’information et de prévention.
Je compte enfin créer et implanter à Foch le registre national de suivi des grossesses chez les patientes transplantées d’un organe solide (rein, poumon, cœur, foie). Ces patientes sont justement à très haut risque de pré-éclampsie. Avec un ensemble d’experts, nous travaillons pour établir dans cette population particulière un protocole de soins moderne, qui tienne compte des progrès majeurs obtenus il y a une quinzaine d’années sur la physiopathologie du syndrome maternel de pré-éclampsie. On peut aujourd’hui non seulement anticiper le diagnostic de pré-éclampsie, mais aussi espérer bientôt de nouveaux traitements car ce syndrome, en 2021, se traite toujours par la seule délivrance : d’où également des enjeux liés à la prématurité des enfants.
Il y a encore beaucoup de place pour la recherche, et nous comptons y mettre toute notre énergie. Là aussi, une association de patientes – Grossesse Santé, la seule existant dans ce domaine – nous aide à diffuser des informations sur la pré-éclampsie, qui est un syndrome longtemps mal compris, des patientes comme des médecins, au point qu’il s’est longtemps appelé « la maladie des théories ». Ce temps-là est derrière nous, il faut maintenant avancer.