L’algie vasculaire de la face (AVF) est une céphalée primaire appartenant au groupe des céphalées trigénimo-autonomiques (3e groupe de la classification internationale des céphalées ICDH).
Compte tenu des conséquences en matière d’altération de la qualité de vie et de baisse de productivité professionnelle, et de la fréquence non négligeable des symptômes dépressifs et des idées suicidaires, il est important que tout médecin soit sensibilisé sur cette maladie.
Par le Dr David Weisenburger, neurologue à l’Hôpital Foch.
Sur le plan épidémiologique
La prévalence de l’AVF est estimée à 1 à 3 pour 1 000, selon les données d’une méta-analyse portant sur 10 études et publiée en 2008 (Fischera Cephalagia 2008). Il existe une prépondérance masculine, avec un ratio actuellement de 3 hommes pour 1 femme. L’âge moyen de début est situé entre 20 et 40 ans. Les principales comorbidités identifiées sont un tabagisme à plus de 20 cigarettes par jour dans 85 % des cas, des antécédents de traumatisme crânien, une consommation d’OH élevée (mais non retrouvée dans certaines études récentes), la consommation de cannabis ou d’autres drogues. Il a été identifié des formes familiales, représentant 7 % des cas, mais dont les gènes de transmission sont inconnus à ce jour.
Sur le plan clinique
L’AVF est caractérisée par des crises de douleur stéréotypées, d’intensité sévère à très sévère (« la pire des douleurs »), à type de pieu dans l’œil ou d’arrachement de l’œil, continue, d’installation rapide (en quelques minutes), siégeant au niveau de l’œil et de la tempe, avec des irradiations multiples possibles (joue, maxillaire, narine, oreille, hémicrânie, cou, épaule). La douleur est strictement latéralisée, toujours du même côté (même si dans 15 % des cas il peut y avoir des AVF à bascule d’une période à l’autre ou au cours de la même période).
S’associent dans la plupart des cas des signes dysautonomiques (absents dans 3 % des cas ou peut-être trop discrets pour être rapportés) : injection conjonctivale et/ou larmoiement, congestion nasale et/ou rhinorrhée, œdème palpébral, sudation du front et de la face, myosis et/ou ptosis. On observe également parfois des signes végétatifs extracrâniens : sudation généralisée durant la crise, troubles du rythme cardiaque (FA, BAV 1), augmentation de la pression artérielle, augmentation ou diminution de la fréquence cardiaque. Une caractéristique majeure, qui permet notamment de faire la distinction avec un accès de migraine, est le comportement lors de la crise. Cet élément fait partie intégrante des critères diagnostiques de l’ICHD. Il se caractérise par une impatience, une difficulté à rester immobile, voire une agitation avec déambulation (Cf. tableau : Critères ICHD‑3 de l’AVF).
Ces critères diagnostiques ne sont pas exclusifs, et une AVF peut être diagnostiquée même s’il s’agit d’une patiente, aux extrêmes de la vie (enfant ou personne âgée de plus de 80 ans), en cas de caractère à bascule d’une période à l’autre, si des signes « migraineux » sont associés, tels que des nausées, des vomissements ou une phono-photophobie. L’absence de signes végétatifs ne permet pas d’exclure le diagnostic d’AVF. Par ailleurs, la localisation initiale de la douleur est parfois trompeuse et attribuée à tort à un problème dentaire.
Sur le plan évolutif
On distingue les AVF épisodiques et les AVF chroniques. L’AVF épisodique représente 80–90 % des cas. Elle se caractérise par des périodes douloureuses (1 crise tous les deux jours à 8 crises par jour), avec des périodes de rémission de durée variable. Les périodes peuvent durer de 7 jours à un an, mais séparées par des intervalles libres d’au moins 3 mois. Certains patients ne présenteront qu’une seule période dans leur vie (1/4 des patients). L’AVF chronique (10–20 % des cas) est définie par des crises évoluant depuis plus d’un an sans rémission, ou avec des rémissions inférieures à 3 mois. Elle peut survenir d’emblée ou après une AVF épisodique. Elle s’associe également à une plus grande comorbidité dépressive et à une plus grande résistance au traitement.
Il semblerait qu’une évolution prolongée, un début à un âge tardif, le sexe masculin, des périodes douloureuses de longue durée associées à des périodes de rémission de courte durée, la survenue d’une période douloureuse par an et la survenue fréquente de crises sporadiques en dehors des périodes douloureuses soient des facteurs de risque de passage d’une forme épisodique vers une forme chronique. A contrario, des facteurs prédictifs de passage d’une forme chronique vers une forme épisodique ont été suggérés : utilisation d’un traitement prophylactique, le début à un âge jeune, une évolution prolongée et le sexe masculin. En conclusion, les facteurs prédictifs du passage d’une forme épisodique à une forme chronique chez un même patient n’ont pas été clairement identifiés.
Diagnostic de l’AVF rapide, basé sur l’interrogatoire
L’examen clinique est normal en dehors des crises, mis à part la persistance possible d’un syndrome de Claude Bernard Horner du côté de la douleur (ptosis, myosis, énophtalmie).
Des examens complémentaires en urgence sont inutiles, sauf en cas de première crise ou d’anomalie(s) à l’examen clinique afin d’éliminer une cause secondaire d’AVF. Les principaux diagnostics différentiels à évoquer sont la sinusite (sphénoïdale), une dissection de l’artère carotide interne, une hypotension intracrânienne, une artérite temporale chez les patients de plus de 50 ans, les tumeurs hypophysaires et de la base du crâne, les migraines sans aura et l’hémicrânie paroxystique. Il est communément admis de pratiquer en urgence un scanner cérébral avec angioscanner des TSA, puis une IRM dans un deuxième temps, et, en dehors de l’urgence, de pratiquer une IRM cérébrale une fois pour tous les patients.
La prise en charge thérapeutique est spécialisée et comprend deux axes :
- le traitement de la crise : celui-ci repose sur l’utilisation en première intention du Sumatriptan en sous-cutané 6 mg (AMM dans cette indication). L’efficacité est remarquable, avec un soulagement à 15 minutes dans 74 % des crises versus 26 % avec placebo. Il n’existe pas d’accoutumance au long cours, la dose maximale recommandée est de 2 injections SC/24 heures, avec un intervalle d’au moins une heure entre deux injections. Les principaux effets indésirables dont le patient doit être informé sont l’oppression thoracique et les brûlures au point d’injection. Il faut être particulièrement vigilant, et ce traitement est contre-indiqué en cas de coronaropathie connue, d’AVC/AIT, d’artériopathies, d’HTA non contrôlée. Il est légitime d’effectuer un bilan cardiologique chez les patients tabagiques de plus de 35 ans. La prescription se fait sur une ordonnance d’exception. L’autre option thérapeutique est l’oxygène haut débit (12–15l/min pendant 15–20 minutes). Il n’y a pas de contre-indication ni d’effet indésirable. La prescription doit être faite par un neurologue, un ORL ou un médecin de centre antidouleur.
- le traitement de fond repose en premier lieu sur le Verapamil. Les principaux effets indésirables sont la constipation, les œdèmes des membres inférieurs, l’hypotension artérielle et la bradycardie. Les contre-indications sont la bradycardie majeure et le BAV. Une surveillance ECG est systématique. L’alternative est le lithium avec un niveau de preuve faible.
Outre ces deux molécules, il est possible d’avoir recours à des traitements temporaires (corticothérapie avec injection visant le grand nerf occipital, attouchement du ganglion sphénopalatin).
En cas d’AVF épisodique, il n’y a pas d’indication à maintenir le traitement de fond au long cours, et celui-ci est arrêté au minimum deux semaines après la disparition complète des crises. Dans l’AVF chronique, une réduction de la posologie du traitement de fond est possible une fois la stabilisation obtenue.
Certains patients évoluent vers une AVF chronique dite pharmaco-résistante (évolution depuis 3 ans, crises quotidiennes, efficacité insuffisante du Verapamil utilisé en l’absence d’effets indésirables à une posologie de 960 mg, du lithium avec une lithémie dans la marge thérapeutique et de l’association de ces deux traitements). Il existe plusieurs cibles chirurgicales : stimulation du grand nerf occipital, stimulation cérébrale profonde hypothalamique, stimulation du sphénopalatin.
Nous sommes bien entendu à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, et n’hésitez pas à nous référer vos patients AVF.
Pour tout avis urgent : csneuro@hopital-foch.com